Dans le contexte socio-économique actuel, il est important pour les industriels de maîtriser les coûts ainsi que la qualité des produits afin de pouvoir survivre face à une concurrence exacerbée. Dès lors, la maintenance de l'outil de production devient un enjeu capital. En effet, face aux fortes cadences de production une panne paralysant une partie de l'usine, peut rapidement conduire à une perte financière importante. Il convient alors de trouver un équilibre entre le nombre d'arrêts pour la maintenance et le risque de défaut grave. Les outils de diagnostic doivent donc fournir une estimation de l'état de la machine à la fois fiable et précise. Il est alors possible de planifier cette maintenance et de réduire son coût selon la politique de gestion du risque adoptée dans l'entreprise.
Dans le passé les possibilités de diagnostic étaient fortement limitées par les performances de l'informatique. Son évolution exponentielle permet aujourd'hui d'offrir des outils de diagnostic à la fois ``abordables'' et puissants. Les limitations matérielles tendent progressivement à disparaître et permettent d'implémenter des algorithmes de plus en plus performants.
Ainsi, les outils de maintenance modernes résultant de la convergence entre le traitement du signal et la mécanique deviennent de plus en plus incontournables. Deux types d'outils sont disponibles : ceux qui fonctionnent en temps réel et fournissent des résultats instantanés et ceux qui fonctionnent en temps différé où le temps de calculs n'est plus une contrainte. Nous nous sommes intéressés ici à l'étude de procédures applicables en temps différé pour des machines tournantes dans le cadre de l'analyse vibratoire.
Les machines tournantes produisent des signaux cycliques selon un ou plusieurs cycles de base se répétant indéfiniment. L'existence de ces cycles conduit naturellement à exploiter la cyclostationnarité de ces signaux c'est-à-dire la périodicité de leurs paramètres statistiques. Pour qu'il y ait périodicité de ces paramètres, il faut que la durée des cycles successifs soit constante, ce qui n'est pas le cas si la machine est sujette à des variations de vitesses aléatoires. Dans ce cas, nous sommes conduits à réaliser les acquisitions des signaux sous échantillonnage angulaire, ce qui signifie que les échantillons sont prélevés à pas angulaire constant. Ce type d'acquisition garantit un nombre d'échantillons constants pour chaque cycle. Si de plus, les paramètres de fonctionnement de la machine sont constants (pression, température, vitesse moyenne, ...) les signaux prélevés peuvent être qualifiés de cyclostationnaires. L'échantillonnage angulaire est beaucoup moins répandu que l'échantillonnage temporel et il est surtout plus contraignant expérimentalement car le signal d'horloge de la carte d'acquisition doit être fourni par un capteur de position solidaire de l'arbre de la machine.
Il n'est pas toujours possible de rendre certaine la valeur d'une période cyclique, par exemple, pour des signaux de roulement où de nombreuses fluctuations existent. Dans ce cas, on peut souvent considérer que les périodes successives sont distribuées autour d'une période moyenne avec un écart-type donné ; nous sommes alors dans le cas peu étudié jusque là de la cyclostationnarité que nous avons qualifié de floue. L'acquisition ne peut plus être synchronisée sur ces signaux que ce soit dans le domaine angulaire ou temporel.
Le matériel ainsi que les campagnes d'acquisitions sous échantillonnage angulaire étant onéreux, il serait intéressant d'essayer d'obtenir les mêmes performances ou résultats à l'aide de signaux acquis sous échantillonnage temporel. Cela permettrait d'une part d'exploiter les bases de signaux déjà existantes et, d'autre part d'éviter un investissement supplémentaire en matériel. Pour cela, nous proposons de re-échantillonner les signaux temporels dans le domaine angulaire en se basant sur la loi de vitesse de rotation de la machine. Une fois cette loi estimée, il est possible de re-échantillonner a posteriori le signal à pas angulaires constants. Diverses pistes sont alors possibles pour l'estimation de vitesse, soit à partir du signal délivré par le codeur de position, soit à partir du signal vibratoire lui-même.
Le but de cette thèse est d'expliquer comment exploiter la cyclostationnarité sur des signaux accéléromètriques de machines tournantes. Les méthodes présentées sont illustrées sur des signaux d'engrenage et de roulement acquis aussi bien sous échantillonnage temporel qu'angulaire. Les principaux apports de cette thèse concernent la proposition et la définition du concept de cyclostationnarité floue permettant de caractériser des phénomènes cycliques où la période n'est pas constante. De nouvelles méthodes de re-échantillonnage angulaire à partir du signal accéléromètrique ont été proposées. Ces dernières permettent de s'affranchir du capteur de position. La combinaison du re-échantillonnage angulaire avec des méthodes de traitement du signal existantes permet d'acroîte leur efficacité. Tout ces outils ont été validés dans plusieurs cas concrets, et notamment, dans le cadre d'un cas cadre d'un réducteur d'hélictoptère.
Dans le premier chapitre nous présentons les bases théoriques de la cyclostationnarité. Pour cela, nous supposons que la variable générique des signaux est la position angulaire de la machine. Dans un premier temps, nous donnons les définitions de la cyclostationnarité pour une seule période cyclique. Dans un deuxième temps, nous expliquons comment étendre la cyclostationnarité pour un signal comportant plusieurs périodes cycliques. Nous introduisons également le vocable de cyclostationnarité floue destinée aux signaux ne comportant pas de périodes cycliques certaines, ou constantes.
Comme les signaux sont le plus souvent acquis dans le domaine temporel, nous proposons dans le deuxième chapitre des méthodes de re-échantillonnage en fonction de l'angle. Nous débutons par les méthodes exploitant un signal de position fourni par un codeur optique, ce signal étant enregistré parallèlement avec le signal accéléromètrique. La technique d'échantillonnage angulaire classique est également incluse dans ces méthodes. Ensuite, nous présentons deux méthodes novatrices exploitant l'information de position contenue dans le signal accéléromètrique. Il n'est alors plus nécessaire d'utiliser un capteur de position. Ces différentes méthodes de re-échantillonnage sont ensuite comparées.
Dans le troisième chapitre, nous expliquons comment exploiter la cyclostationnarité en pratique. Pour cela nous introduisons le concept de cycloergodisme qui étend la notion d'ergodisme au cas cyclostationnaire. Nous présentons également les différents outils utilisés pour caractériser le signal à l'ordre et
(variance, distribution Wigner-Ville ...). Nous nous intéressons ensuite au cas particulier des roues d'engrenage qui possèdent plusieurs cycles, tous sous-multiples d'un même cycle commun. Alors qu'une approche classique conduirait à ne considérer que ce cycle commun, nous avons cherché à exploiter chacun des cycles séparément. Nous montrons alors à partir d'un exemple que cette approche, bien qu'utilisant des estimateurs biaisés, donne de meilleurs résultats pour le diagnostic.
Dans le quatrième chapitre nous étudions plus en détail la cyclostationnarité floue. Nous faisons tout d'abord le lien entre la cyclostationnarité et la cyclostationnarité floue. Pour cela nous observons les effets des fluctuations de périodes cycliques et mettons en évidence les conditions permettant de conserver la cyclostationnarité. Ensuite, nous étudions le cas où les fluctuations des périodes cycliques sont aléatoires et stationnaires.
Dans la cinquième partie, nous montrons comment exploiter la cyclostationnarité floue pour le diagnostic de roulements de réducteurs à engrenage. Les capteurs ne fournissent pas directement la contribution des roulements mais un mélange issu des roues, des roulements, ainsi que du bruit. Nous nous intéressons dans un premier temps à la séparation des contributions roues et roulements. Pour cela, nous utilisons le caractère principalement cyclostationnaire à l'ordre (c'est-à-dire certain) des signaux des roues face au caractère cyclostationnaire floue des signaux de roulement (et non prédictible). Malheureusement comme le bruit est également non prédictible, le signal de roulement estimé contient également le bruit d'origine du signal. Pour supprimer ce dernier, nous exploitons la cyclostationnarité floue, c'est-à-dire les liens entre les différentes composantes fréquentielles afin de reconstruire un signal avec un bruit atténué par filtrage optimal de ``Wiener cyclique''.